CHAPITRE 16

Je tentai l’animorphe le lundi matin dans mon placard, au collège. Je me transformai en lézard.

En anolis vert, pour être précis. C’est un représentant de la très nombreuse famille des iguanes, au cas où cela vous intéresserait.

J’attendis la fin du premier cours, qui était un cours d’anglais. Lorsque tout le monde eut quitté le couloir, je me glissai dans mon placard en m’efforçant de le faire le plus naturellement possible, au cas où quelqu’un m’observerait.

Le placard mesurant cinq centimètres de moins que moi, je dus me baisser. Et il était si étroit que je ne pouvais pas faire un geste. Le seul éclairage provenait des trois petites fentes d’aération. Dans cet espace étriqué, obscur, j’entendis mon cœur battre à tout rompre. J’avais peur.

Parce que c’est une chose de se transformer en chien : c’est bizarre, c’est étrange, mais c’est sympa. Les chiens sont gentils. Mais les lézards ?

— J’aurais dû m’entraîner, murmurai-je tout bas. J’aurais vraiment dû m’entraîner, comme me le conseillait Cassie.

Je commençai à me concentrer sur l’animorphe en me rappelant comment nous avions capturé le lézard, deux nuits auparavant. Nous l’avions repéré avec une lampe torche, et Cassie l’avait coincé avec un seau vide pour l’empêcher de se sauver.

Le simple fait de le toucher pour assimiler le schéma de son ADN avait déjà été assez répugnant. Et maintenant, j’allais devenir ce lézard.

La première chose qui me frappa fut que j’étais soudain plus au large dans le placard. Je n’avais plus besoin de me baisser, et mes épaules n’étaient plus comprimées.

Je me passai la main sur le visage. Ma peau était moins tendue qu’à l’ordinaire et granitée. Je touchai mon crâne : j’avais perdu presque tous mes cheveux.

Les choses commencèrent à se précipiter. Le placard s’agrandit de plus en plus. Il devint aussi vaste qu’une grange. Aussi vaste qu’un stade !

J’avais l’impression de tomber. De tomber du haut d’un gratte-ciel en mettant un temps infini à atteindre le sol.

J’étais posé sur un bloc gluant aussi gros qu’un rocher. Comment un rocher pouvait-il entrer dans mon placard ? Mais je finis par comprendre : il s’agissait d’un chewing-gum, un vieux chewing-gum tout mâchonné, collé au plancher.

Des draperies gigantesques, aussi grandes que les voiles d’un bateau, pendaient autour de moi : c’était mes vêtements. Dans la pénombre, je distinguais deux masses informes, monstrueuses, dressées de part et d’autre de moi : c’était mes chaussures, et elles avaient la taille de maisons.

Et puis le cerveau du lézard se mit en action.

Peur ! Piégé ! Décamper ! Détaler ! Fuir fuir fuir fuir !

Je bondis à gauche : un mur ! J’y grimpai en sentant mes pieds se coller à la paroi. Piégé ! Je bondis à droite : une autre surface lisse. Piégé ! Fuir fuir fuir fuir !

Je m’efforçai de me dominer, mais le lézard était terrorisé. Il ne savait pas où il était et n’avait qu’une envie : sortir. Sortir !

« Va vers la lumière ! ordonnai-je à mon nouveau corps. Les fentes d’aération. Voilà l’issue. »

Mais mon nouveau corps avait peur de la lumière. Je ne pouvais pas maîtriser la panique instinctive du lézard, et je continuais à rebondir d’une paroi à l’autre.

« Va vers la lumière ! » hurlai-je à l’intérieur de ma tête et, brusquement, j’y arrivai. Je glissai ma tête à l’extérieur, et mon corps suivit le mouvement. Ma langue sortit soudain, et cela me causa une impression étrange, comme si je flairais, mais pas tout à fait. Elle continua à rentrer et sortir, et je constatai qu’elle jaillissait de ma bouche et léchait l’air.

En pleine lumière, je me rendis compte à quel point la vue du lézard était déficiente. Je ne comprenais rien à ce que je voyais. Tout était éparpillé et déformé. Le bas était en haut et le haut était en bas. Je percevais les couleurs de manière complètement différente.

J’essayai de réfléchir. « Allons, Jake, tes yeux sont maintenant de chaque côté de ta tête. Ils ne regardent pas dans la même direction. Ce sont des organes indépendants. A toi de t’en accommoder. »

Je m’efforçai d’interpréter les images en tenant compte de cette donnée, mais c’était toujours un fouillis. Je mettais un temps infini à les déchiffrer. Un œil scrutait le couloir vers la gauche, l’autre vers la droite. J’étais à l’envers, la tête en bas, agrippé à la porte du placard qui avait l’air d’une interminable étendue grise.

Et le cerveau de l’anolis vert ne cessait de lutter contre moi. Maintenant qu’il était sorti des ténèbres du placard, il souhaitait désespérément y retourner.

Le bureau de Chapman, me rappelai-je. Mais où se trouvait-il ?

A gauche. Par là.

Soudain, je courais comme un fou. A la verticale jusqu’au pied de la paroi. Zou ! Puis par terre. Zou ! Autour d’un bout de papier deux fois plus gros que moi. Le sol défilait sous moi comme si j’étais ligoté à un missile incontrôlé.

Tout à coup, mon cerveau de lézard détecta la présence d’une araignée. Ce fut une sensation étrange, ne me permettant pas de déterminer si j’avais vu l’araignée ou si je l’avais entendue, ou si je l’avais sentie ou goûtée du bout de ma langue jaillissante de lézard, ou si je savais simplement qu’elle était là.

Avant même d’avoir envisagé la possibilité de m’arrêter, je fonçais sur elle à mille kilomètres à l’heure. Mes petites pattes s’activaient tellement vite qu’on ne les voyait plus.

Ce n’était probablement pas une très grosse araignée. Pas pour un être humain. Mais à mes yeux de lézard, elle semblait de la taille d’un petit enfant. Je distinguais ses yeux à facettes, chacune des articulations de ses huit pattes et ses horribles mandibules cliquetantes.

L’araignée courut. Je courus après l’araignée. Je fus le plus rapide.

Nooooooon ! hurlai-je intérieurement, mais trop tard. Ma tête bondit en avant aussi vite que celle d’un serpent, mes mâchoires se refermèrent, et je me retrouvai avec l’araignée dans la bouche.

Elle se débattait. Je sentis ses pattes se démener frénétiquement pour sortir de ma bouche.

J’essayai de recracher l’araignée, mais pas question : le lézard en avait trop envie.

J’avalai l’araignée. Ce fut comme si j’avalais tout un jambon en conserve. Un jambon en conserve qui se démena jusqu’au bout.

« Non, non, non ! » protestait avec horreur mon cerveau écœuré pendant que celui du lézard exprimait sa satisfaction. Je sentis l’anolis se calmer un peu.

« Ça suffit ! me dis-je. Je laisse tomber cette animorphe ! »

Je voulais sortir de cet horrible petit corps. Et tant pis si on me voyait J’allais démorphoser en vitesse et reprendre ma forme humaine. Marco avait raison. C’était de la folie de se mêler de cette histoire. De la folie pure !

J’entendis le sol gronder. Un bruit évoquant un géant faisant trembler la terre sous ses pas.

C’était bel et bien un géant.

Une ombre immense obscurcit le ciel. J’eus l’impression que quelqu’un essayait de m’écraser en faisant crouler tout un immeuble sur ma tête.

La chaussure se rapprochait !

Je l’esquivai en fonçant à gauche.

Une autre chaussure.

Ma queue ! La chaussure s’était posée sur ma queue ! J’étais prisonnier !

 

L'invasion
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